La Loi Élan et l’accessibilité

débat 4

LA LOI ÉLAN,
UNE MISE À JOUR
DU LOGICIEL « LOGEMENT » ?

FLC

Lionel Formentelli,
Architecte.

24 Novembre 2018. Le Journal Officiel publie « La Loi Élan » un pavé de réformes englobant l’évolution du logement, de l’aménagement et du passage à l’habitat « numérique ».

Une sorte de mise à jour générale d’un domaine qui est par définition ancré dans des us et coutumes ancestraux et dont l’évolution est lente.

La simplification des démarches liées à la construction et la numérisation des données semblent deux points porteurs de cette loi aux ambitions pragmatiques et bienveillantes.

LA LOI ÉLAN ET L’ÉPINEUSE QUESTION DE L’ACCESSIBILITÉ

Regardons une des facettes de cette loi, qui aborde et réforme « l’accessibilité » au sens des logements accessibles aux personnes à mobilité réduite.

Si le logement est un domaine difficile à réformer, cela n’est pas une fatalité, c’est une question structurelle. En effet, beaucoup de compétences, beaucoup de corps de « métiers » sont les acteurs directs et indirects de ce monument de la société : LE LOGEMENT.

L’exemple de la prise en compte du handicap dans la construction remonte au milieu des années 70, mais le fait le plus emblématique est la loi sur l’accessibilité et le handicap de novembre 2005.

Cette loi était enfin un élément clair et exhaustif pour une prise en considération des handicaps mais plus fondamentalement la prise en compte du vieillissement général de la population et encore plus simplement à la facilité d’habiter, de circuler et d’accéder : Le fameux « accessible à tous » résumait bien l’ambition de cette loi.

LA LOI DE 2005 RABOTÉE ?

J’ai beau penser positivement, espérer en l’amélioration des lois de ma république et croire en l’esprit bienveillant de l’être humain, mais la loi ÉLAN semble vouloir raboter avec plus ou moins de force les principes fondamentaux de la loi sur l’accessibilité de 2005.

La cible est clairement indiquée : le logement collectif.

En jouant sur les mots : « désormais 100 % des logements neufs sont
évolutifs !  ».

L’effet d’annonce est joli, l’envers du décor est sans doute moins brillant. La capacité à faire évoluer un logement n’est pas définie dans cette loi pour l’instant, elle est comme tout bâtiment liée à beaucoup de paramètres (cloisons, réseaux électriques, natures des sols, portes, seuils etc.) qui peuvent transformer la notion d’évolution en schéma complexe voir utopique.

Jadis, la loi de 2005 imposait que les logements soient accessibles notamment dans tous les rez-de-chaussée des constructions neuves, sans dérogations à l’exception des parois non structurantes et non bâties.

C’était clair pour l’homme de l’art : il ne pouvait y avoir que de petites parois démontables, indépendantes du reste de la structure comme des panneaux vitrés autour des bacs à douche, des panneaux de séparation stratifiés faisant office de placards dans les chambres, des portes à démonter en conservant les cadres.

C’était clairement une adaptation facile et qu’un propriétaire pouvait engager s’il souhaitait louer son logement à une personne en situation de handicap, et plus généralement, cela lui permettait de continuer à vivre dans son logement alors que son état de mobilité se dégradait avec l’Âge.

Aujourd’hui, le 100% évolutif jette un voile pudique sur une avancée pourtant claire et efficace qui avait été votée il y a maintenant près de 15 ans.

LES VRAIS DYSFONCTIONNEMENTS TOUJOURS PAS ÉLUCIDÉS

En revanche, la loi fait perdurer la notion d’accessibilité à tous types de handicaps sans aucune distinction, pire, en reprécisant que l’accessibilité doit répondre aux handicaps cognitifs, mentaux ou psychiques.

En d’autres termes, en qualité de maître d’œuvre (donc juridiquement parlant… « un sachant »), je dois pouvoir livrer un bâtiment dont les pentes maximales des rampes d’accès sont à 5%, les garde-corps à 1m de haut et les diamètres de giration des fauteuils roulants de 150cm…c’est évident à mettre en œuvre.

Mais serais-je aussi obligé de réaliser des garde-corps de 2m50 de haut sur un plancher de mezzanine de hall de mairie si une personne atteinte de handicaps cognitifs se jette depuis les bureaux de l’état civil à l’étage en escaladant le garde-corps de 1m victime d’une peur panique lors d’une file d’attente pour passer au guichet ?

CONSTRUIRE PLUS ?

Enfin, les termes de la loi indiquant que la loi ÉLAN est faite pour « construire plus » semble indiquer qu’on pourrait mieux « construire » en s’affranchissant des « contraintes » de l’accessibilité.

J’assume cette interprétation du texte, mais par expérience, les promoteurs de l’immobilier, les entreprises de BTP et la société en général opposent accessibilité et qualité de vie dans les logements collectifs.

Sanitaires trop grands au détriment des pièces de vie, complications à mettre en œuvre, inutilité des dispositifs, absence réelle de sanctions concrètes. Bref, en caricaturant, l’accessibilité reste encore la dernière roue du carrosse dans les arguments de la construction neuve.

Or, par expérience aussi au sein de notre agence, on peut concevoir des salles de bains compactes, ergonomiques, économes que ce soit dans l’établissement recevant du public ou les logements ou logements collectifs.

Le maître d’œuvre doit rester force de proposition et tenter de balayer les a priori de la société.

EN CONCLUSION

Si l’accessibilité des personnes à mobilité réduite rebute, on oublie tout simplement qu’il s’agit avant tout de l’accessibilité pour nous tous, jeunes, bien portants, accidentés de la vie temporaires, femmes enceintes, personnes vieillissantes, personnes malades….et handicapés.

Alors tout est une question de point de vue, mais mon point de vue est que la loi ÉLAN a fait un pas en arrière.

 

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